THÈSE DE DOCTORAT DÉFENDUE PUBLIQUEMENT A L'UMONS LE 9 MARS 2007 par XAVIER SIMON
PROMOTEUR: J.-C. VERHAEGHE
L'étude de jeunes colonies du bourdon Bombus terrestris montre que ces proches cousins taxonomiques de l'abeille mellifère (Apis mellifera) présentent une structure sociale beaucoup plus simple. La société repose uniquement sur deux groupes: les butineuses et les ouvrières au nid. Cependant, ces deux catégories sociales ne sont pas clairement distinctes: les ouvrières ont la faculté de passer d'une tâche à l'autre. Les butineuses peuvent ainsi effectuer les tâches internes au nid et il est alors impossible de les distinguer des autres ouvrières uniquement sur base de leur comportement. L'inverse est aussi possible: des ouvrières au nid peuvent se mettre à butiner. C'est ce qui permet au nid de faire face à la perte soudaine des butineuses.
En détaillant l'activité du groupe des butineuses, on s'aperçoit que leur nombre varie quotidiennement. Ces variations semblent devoir être mises en rapport avec celles des réserves de miel à l'intérieur de la colonie. En outre, la manière dont les colonies réagissent à la disparition des butineuses indique que la proportion et le rythme d'activité des ouvrières qui les remplacent vise essentiellement à maintenir constant l'apport de nourriture au nid. Tous ces éléments permettent de formuler l'hypothèse que les ouvrières ne deviennent pas butineuses à la suite d'un déterminisme social, mais plutôt en fonction des besoins de la colonie et de ses capacités d'approvisionnement. La spécialisation des butineuses leur permettrait ensuite de mieux maîtriser le milieu et ainsi d'optimaliser le rendement de leur activité.
Toutes ces observations conduisent à envisager la possibilité, chez Bombus terrestris, de l'existence d'une partition de tâche. Les ouvrières ne réaliseraient qu'une seule et unique tâche: élever le couvain. Celle-ci serait fragmentée en deux sous-tâches: récolter la nourriture et entretenir le nid. Ces deux sous-tâches sont effectuées par des individus différents qui se spécialisent.
Cette hypothèse est vérifiée par le fait qu'on observe bien, chez Bombus terrestris, un transfert de nourriture, via des pots à miel et à pollen, entre des ouvrières de deux groupes engagés au même moment dans deux activités différentes (butinage et comportements internes au nid). Cette stratégie permet un gain d'efficacité en exploitant au mieux les capacités de transport des butineuses et en leur permettant de mieux exploiter les ressources.
Le problème, c'est pour qu'un tel système fonctionne, les proportions d'ouvrières affectées dans chaque groupe doivent être adéquates par rapport aux capacités d'approvisionnement et aux besoins de la colonie. Il faut donc un transfert d'information à l'intérieur du nid pour que les ouvrières puissent ajuster leur comportement au contexte.
Chez Bombus terrestris, ce sont les pots à miel (et probablement aussi ceux à pollen) qui servent à transférer l'information. La quantité de miel en réserve informe les butineuses quant aux ajustements comportementaux qu'elles doivent effectuer. Le mécanisme par lequel elles peuvent évaluer la quantité de miel en réserve est connu: il repose sur le temps passé à visiter les pots à miel.
Il semble donc que Bombus terrestris, et probablement d'autres espèces du genre Bombus, ait développé un système de partition de tâche similaire à celui connu chez Apis mellifera, en résolvant les problèmes que cette stratégie implique pour les petites sociétés.
Bombus terrestris; polyéthisme, butinage, régulation, pots à miel.